Diffusion : Mardi 08 mars à 08h30 et 12h30
Animateur : Samuel Heyndrickx
Invitée : MARINE BACHELOT NGUYEN, autrice-metteuse en scène
Il attend la bouche ouverte, bloqué dans son marécage boueux, les muscles en exergue, les écailles luisantes. Il attend le visage immergé dans la glaise que sa proie lui tombe entre les dents. Il n’aura qu’à resserrer ses lèvres une fois qu’elle se sera posée sur sa langue. Il serrera ses muscles buccaux contre ses hanches et la fera tanguer dans un ballet mortel. Il se cache dans les replis de sa propre peau, attendant qu’elle fasse le premier pas, la proie, qui, soucieuse de trouver un instant de répit pour se ressourcer, ne percevra pas l’assaillant. Bientôt elle perdra prise avec la terre. Car l’écailleux, loin de l’éteindre par ses morsures, lui maintiendra la tête sous les flots jusqu’à ce qu’elle étouffe, sans espoir d’un dernier cri de rage. Mais quand cessera donc le règne des crocodiles ? Ne pouvons nous pas nous abreuver au même endroit sans redouter leur appétit ? Et si les crocodiles faisaient l’expérience d’une peau molle, sans étanchéité, se conduiraient ils de même ? Et si nous leur implantions des rêves de sacs à main dans le crâne, prendraient ils du plaisir à s’imaginer passer de mains en mains, joliment vernis et décorés d’une fleur ? On dirait que les blessures de la vie épargnent ces crocodiles qui en infligent au centuple. Ce sont ces blessures, données ou redoutées, sur lesquelles l’autrice metteuse en scène Marine Bachelot Nguyen s’est penchée, s’appuyant sur la figure du crocodile pour « évoquer les blessures du sexisme, cette machine à broyer les sensibilités ». Son texte sera interprété à la Maison pour tous François Villon ce mardi 08 mars par Vanessa Liautey, dans une mise en scène de Fanny Rudelle, en partenariat avec le théâtre Jean Vilar et La Maison Théâtre.
Deux autres représentations prévues :
Maison pour tous Marie Curie Vendredi 12 mars / 20h30
Maison pour tous Mélina Mercouri Vendredi 26 mars / 20h
ACTION # 4 – LES BLESSURES DES CROCODILES / LA MAISON THÉÂTRE
Théâtre / création
Durée : 40 min + 30 min de débat
Texte : Marine Bachelot-Nguyen
Mise en scène : Fanny Rudelle
Univers sonore : Éric Guennou
Jeu : Vanessa Liautey
Fanny Rudelle et Vanessa Liautey ont imaginé un cycle de quatre spectacles pédagogiques appelé «Action(s)». Pour ce quatrième volet, elles ont demandé à l’auteure Marine Bachelot Nguyen un texte sur l’égalité femmes-hommes et filles-garçons ; et plus précisément sur le poids des normes de virilité et de féminité dans la construction et l’existence de chacun et chacune.
Une personne parle. Elle prétend avoir vécu successivement comme homme et comme femme. Elle dit s’appeler Tirésias. Elle voit la réalité de façon exacerbée : aucune manifestation ni acte de virilité toxique ne lui échappe. Aucune blessure provoquée par les mots et gestes sur l’âme et le corps des femmes non plus. Cette sensibilité particulière, Tirésias se l’est forgée lors de ses différentes existences, en faisant l’apprentissage de « devoir être homme » et de « devoir être femme ».
Dans un joyeux mélange d’interpellation du public, de divination et d’érudition, d’humour et de gravité, Tirésias raconte les limitations de liberté, d’expérience des possibles ou d’épanouissement individuel qui se nichent dans l’adhésion bornée aux codes genrés.
Une invitation pour chacun et chacune à réfléchir à ses expériences, ses réflexes et conditionnements, et à leur transformation possible, et à voir comment travailler ensemble, lors d’une discussion après spectacle, pour réparer les blessures du sexisme, et fissurer l’éternelle machine de reproduction des inégalités.
Créée en 2009, La Maison Théâtre est installée au Quartier Gare, lieu de fabrique et de création à Montpellier.
Avec le concours de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée.
Marine Bachelot Nguyen
Autrice et metteuse en scène, Marine Bachelot Nguyen se forme en Lettres et Arts du spectacle, travaille comme dramaturge pour le théâtre de Folle Pensée (2002-07), poursuit des recherches universitaires sur le théâtre politique. En 2004, elle fonde avec cinq autres auteur.e.s la compagnie Lumière d’août (Rennes). Dans son travail, elle explore l’alliance de la fiction et du document, les croisements du corps et du politique, les questions féministes et postcoloniales.
Elle est à l’initiative des Courtes pièces politiques (création en 2006 avec Alexis Fichet). Elle est lauréate du CNT pour Artemisia vulgaris, qu’elle crée en 2007-08 (Festival Mettre en scène, La Paillette/Théâtre National de Bretagne). En 2009 elle entame le projet Féministes ?, cycle de recherches, écriture et création consacré aux féminismes : en font partie les spectacles Histoires de femmes et de lessives (2009), « La femme, ce continent noir… » (2010), À la racine (2011, Festival Mettre en scène), Rebel girlz mascarade (2012).
Elle obtient l’Aide à l’écriture de la SACD-Beaumarchais pour La place du chien (sitcom canin et postcolonial) et le crée en 2014 à la Maison du Théâtre à Brest et à la Maison des Métallos à Paris. Reprise lors du festival off Avignon 2017. En 2014, elle est lauréate du programme Hors-les-Murs de l’Institut Français pour une recherche sur le mouvement LGBT au Viêtnam, et d’une bourse Découverte du CNL en soutien à l’écriture du texte Les ombres et les lèvres. Elle crée le spectacle en 2016 au Théâtre National de Bretagne à Rennes.
Elle réside à Villa Saïgon (Viêtnam) en 2018, pour travailler au projet Circulations Capitales avec Marina Keltchewsky et François-Xavier Phan. Elle crée le spectacle en 2019 au Canal (Redon) et à la MC2 Grenoble. Il est présenté à la Manufacture pour Avignon off 2021. En 2019, elle passe commande à Penda Diouf et Karima El Kharraze pour la création de Soeurs, lecture-spectacle qu’elles présentent à la Rose des Vents à Villeneuve d’Ascq (festival Prise directe). En 2020-21, elle crée Akila – le tissu d’Antigone : création prévue novembre 2020 (La Paillette/Festival TNB), repoussée à octobre 2021 au THV (festival Dangers, Le Quai).
Sur une commande de David Gauchard, elle a écrit Le fils. Le spectacle, créé en 2017, tourne toujours. Le texte obtient en 2019 le prix Sony Labou Tansi des lycéens, et le prix du jury et du public au festival Primeurs (Sarrebrück). En 2017, elle participe à une pépinière internationale d’artistes organisée par la CITF à Ottawa (Canada). En 2018 elle écrit pour les Intrépides de la SACD, et en 2020 pour le projet Binôme.
D’autres de ses pièces sont jouées en France, Suisse, Afrique, créées par elle-même ou d’autres metteur.e.s en scène : David Gauchard, Hélène Soulié, Anne Bisang, Thibault Rossigneux, Fanny Rudelle, Charlie Windelschmidt, Alexandre Koutchevsky, etc.
Le fils, Les ombres et les lèvres, La place du chien, Akila le tissu d’Antigone sont publiées chez Lansman Éditeur. Histoires de femmes et de lessives aux Éditions des Deux Corps. Deux sœurs à l’Avant-Scène dans le recueil « Basta! Les Intrépides de la SACD », et Naissance dans le recueil « Troisième regard » chez Théâtrales.
Transmission, formation et militantisme sont des instances précieuses pour elle. Elle anime des ateliers d’écriture et de théâtre auprès de partenaires variés, fait de l’accompagnement dramaturgique, et est membre fondatrice des collectifs HF Bretagne et Décoloniser les Arts.