Les arpenteurs poétiques – Luiza Neto Jorge

Les arpenteurs poétiques – Luiza Neto Jorge

Diffusion : Jeudi 24 novembre 2022 à 19h15
Rediffusion : Dimanche 27 novembre 2022 à 11h
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une émission préparée par Jean-Marc Barrier et Pierre Diaz

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> « Luiza ! Luiza ! », concert poétique
avec Jean-Marc Barrier (voix) et Pierre Diaz (saxophone, clarinette basse et électro)
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« Luiza ! Luiza ! », concert poétique

Luiza ! Luiza ! est une immersion sonore dans les poèmes  de Luiza Neto Jorge (1939-1989), femme et poète proche du surréalisme, qui a vécu un double exil entre Lisbonne et Paris. Elle a exploré de nouvelles formes, de nouvelles forces, et a produit une poésie brute, ardente, dans le langage du corps, d’un corps fragmenté qui se disloque et se recompose dans le corps même du poème.

Deux hommes relaient cette écriture puissante de la conscience féminine : Pierre Diaz et Jean-Marc Barrier créent ensemble un univers sonore où les mots et la musique se frottent, se nouent et se fraient leur passage – cristallin, tellurique ou méditatif –  et pénètrent bien au-delà de l’oreille.

Le poème nous apprend à tomber, dit-elle, chute d’amour où le visage touche le sol
oiseau qui s’est lancé à pic sur la croûte de la terre, piquant au plus tendre…

Extrait d’une note de ses traducteurs, Christian Mérer et Nicole Siganos dans Par le feu, éditions Le passeur, 1996, épuisé.

« Mise en scène érotique, la poésie de Luiza Neto Jorge privilégie la verticalité, l’ellipse, la densité, alliées à une langue presque crue, ou d’une préciosité qui ne serait que le voile de cette crudité. Le corps de la femme porté au langage sous le feu du désir (du désir d’un désir) se démembre, flambe, enflamme la page (je vis dans la flamme / l’habit a pris feu / qui marie / mort et vie). L’écriture se vrille, âprement creuse le manque du corps, jusqu’à parfois en mimer l’extase. (…) Mais au moment d’être portée sur la scène du poème, l’« action » érotique est tenue à distance par le travail même de la langue tendue jusqu’au sarcasme : machine anti-lyrique, déchant inscrit dans le poème. Une pulsion vitale profonde et une tension immense animent ses poèmes où se conjuguent une double insurrection du corps et de la parole … »

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Luiza ! Luiza !
Pierre Diaz | saxophone, clarinette basse, effets et electro
Jean-Marc Barrier | voix

Ce concert poétique a été donné sur scène dans différents lieux et théâtres, à Lodève, La Salvetat-sur-Agoût, au Théâtre de Pézenas et à Montagnac.

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Pierre Diaz  

Un univers sonore autour d’intruments détournés. Un parcours atypique commencé au consevatoire de Béziers et Montpellier, il joue très jeune dans les bals populaires de sa Région. Puis il entend John Coltrane et le jazz rentre dans sa vie.La musique classique, le reggae, la musique improvisée, les musiques traditionnelles, associés au théâre, la danse, les arts plastiques et la poésie… lui donnent une approche de la musique à 360°.
https://www.diazpierre.com

Jean-Marc Barrier

Peintre et graphiste, il écrit des poèmes, anime des ateliers d’écriture, pratique le théâtre amateur depuis 10 ans, et co-anime l’émission Les arpenteurs poétiques sur Rph Radio Pays d’Hérault. Quand il découvre la poésie de Luiza Neto Jorge, il aime l’audace et la puissance rare dans cette écriture, et le défi lui plaît d’être le vecteur masculin d’une poésie féminine méconnue.
Dernier livre paru : La nuit élastique, éditions Phloème, 2022 >  https://www.editionsphloeme.fr/de-langue-française/oeuvres/la-nuit-élastique/
https://jeanmarcbarrier.fr

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Luiza Neto Jorge 

Née en 1939, elle fait des études à la Faculté des Lettres de Lisbonne. Elle y fonde le Grupo de Teatro de Letras. Puis elle va vivre à Paris pendant huit ans, y exercer de nombreux métiers : femme de ménage, interprète, animatrice de radio, libraire, professeur de poterie… Liée au groupe Poésie 61, elle est dans une démarche exploratoire de l’écriture… Elle dessine aussi. Elle a traduit de nombreux auteurs français en portugais   Sade, Max Jacob, Céline, Artaud, Michaux, Boris Vian, Jean Genet et Marguerite Yourcenar… Elle a également écrit pour le théâtre et le cinéma. 

Bibliographie

En langue portugaise :
A noite Vertebrada, Collecção « A Palavra », Faro, 1960
Quarta Dimensão, em Poesia 61, Faro, 1961
Terra Imóvel, Portugália, Lisboa, 1966
O seu a seu Tempo, Ulisseia, Lisboa, 1966
Dezanove Recantos, Iniciativas Editoriais, Lisboa, 1969
O Amor e o Ócio, Jornalde Letras et Artes 268, 1969
O Ciclópio Acto, poema para livro-objecto de Jorge Martins, Livraria-Galeria 111, Lisboa, 1972
Os Sítios Sitiados (Poesia 1960-1970), Plátano, 1973
A lume, Assírio & Alvim, Lisboa, 1989
Poesia (1960-1989), Assírio & Alvim, Lisboa, 1993

En langue française :
Prélude pour sexe et rêve, traduction de Marie-Claire Vromans, Editions 632, Bruxelles, 1994, épuisé
Par le feu, traduction de Christian Mérer et Nicole Siganos, Editions Le passeur, 1996, épuisé
Anthologie de la poésie portugaise contemporaine 1935-2000, Poésie/Gallimard

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Trois témoignages à propos de Luiza Neto Jorge

Alberto Seixas Santos :

« Je garde une image très forte de Luiza Neto Jorge. Nous sommes à Paris dans le studio de Júlio Pomar. C’est jour de fête. Il y a des verres, de la musique, des gens. Luiza arrive, vêtue de noir, farouche et maigre comme toujours, elle traverse la salle, s’assied sur une chaise près du mur, croise les jambes, et regarde. Si ce n’était la curiosité, la pose serait celle d’un sphinx. Peu après arrive une française que je connais à peine et me dit : Tu l’as vue ? Elle est extraordinaire, n’est-ce pas ? Elle parle de Luiza, bien sûr. Qu’elle soit presque toujours le centre des attentions des personnes présentes ne me surprenait pas du tout. Rares étaient les yeux qui avaient l’intensité des siens. Noirs, grands, pénétrants. (…) Je ne sais plus quand et comment je l’ai connue. Peut-être dans un café ou un ciné-club à la fin des années 50 ».

Fernando Cabral Martins :

« (…) Je ne me souviens que peu de ce que j’ai entendu, je ne me souviens que de ce que j’ai vu. Je crois qu’il est toujours vrai qu’une image vaut pour mille mots. Elle était radieuse, ses yeux brillaient comme s’ils laissaient échapper une lumière. Dans son apparence physique, qui blessait par son étrangeté, il y avait de la grâce et de l’harmonie. Un manque de protection, ou une fragilité, devenait chez elle magiquement une forteresse. Et calme. Elle disait peu aussi, et nous riions tous. Cette femme était peut-être (…) le plus grand poète portugais vivant. Elle ne faisait pas de grandes phrases, ni des petites, rien qui pût avoir l’air d’un vers, à peine un sourire qui enveloppait parfois un mot. Hostile aux vers, comme à sa poésie. Seulement préoccupée par les mots, sans autre musique que celle des sens inaudibles, celle qu’on écoute quand les poumons inspirent et expirent, et que l’air chante ».

(Ces deux textes sont traduits du portugais par Pierre Astrié)

Gastão Cruz

« […] Il y avait, à mon avis, entre la poésie de Luiza et sa façon de vivre une parfaite convergence, cohérence et unité placées sous le signe de la force, de l’intensité. Rien en elle était doux, douteux, auto-indulgent. Peut-être un peu timide, elle n’aimait pas du tout à être le centre des attentions et exerçait discrètement un énorme pouvoir de séduction, qui provenait principalement d’un sens de l’humour toujours intelligent et attentif et d’une façon positive de regarder la vie. Même les grands malheurs, elle les a affronté sans pitié et sans plaintes. Et, en fin de vie, quand elle a dû passer de longues périodes à l’hôpital, elle a maintenu la capacité de parler avec animation et rire avec ceux qui la visitaient, en parlant parfois de ses problèmes de santé avec objectivité et distance (du moins apparemment). […] »Memória de um tempo e de Luiza Neto Jorge, Relâmpago, Revista de Poesia, Lisboa, Fundação Luís Miguel Nava, nº 18, avril 2006, p. 125-127.

(Ce texte est traduit du portugais par Maria Filipe Rosa)

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un poème extrait du concert

Rechant 19

Je vois pour finir quelqu’un mourir
qui était homme à inventer une écriture
à sourire d’inventer des lettres pour faire un rapport sur tout
ce qui dans la neige est neigeux et
sur ce qu’il y a dans les lettres de sphères qui roulent
d’un côté à l’autre de l’invention

quelqu’un qui à l’heure où je me trouve avait à dire
que sa liberté était juste comme la patte d’un oiseau
pesant sur le sol
et (flash) l’amour injuste comme un autre pied ou
un oiseau mourant d’une maladie
phosphorescente

ou : qu’Elle-et-Lui souriaient nus tous deux à tout le monde.
Que tous deux utilisaient le meilleur savon pour leur peau.

ou : que dans son champ étroit, en effet, il chantait.

Voilà, c’est fini.

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merci à Solène pour la technique !
merci à Laure-Anne Darras qui a créé notre générique…
http://soundcloud.com/les-arpenteurs-poetiques/generique-de-lemission-les-arpenteurs-poetiques

 

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